Que ce soit à coups de grandes formules pompeuses : « Réarmement démographique » ou de demandes de la part de votre mère : « Alors, quand est-ce que j’ai un petit-fils ? » on peut dire que le sujet de la démographie est un thème récurrent de l’actualité depuis quelques années.
Les conséquences de la chute de la natalité qui touche aujourd’hui la France, après avoir touché l’intégralité des pays d’Europe (On prévoit que le nombre de décès sera plus élevé que celui des naissances en France à partir de 2026), sont d’ailleurs assez bien connues : baisse de la consommation et donc du PIB à terme, large déséquilibre du système de retraites par répartition (la répartition se base sur une croissance démographique très forte car les travailleurs d’aujourd’hui payent pour les retraités d’aujourd’hui, alors que la capitalisation se base sur un système avec une croissance économique forte, car les retraités payent pour eux-mêmes tout au long de leur vie. Donc quand il n’y a ni l’un ni l’autre, le financement des retraites devient un gros problèmes pour les finances publiques) etc. Mais personne ne s’interroge vraiment sur le fond du problème. Pourquoi « Les jeunes ne baisent plus. »
La formule est un peu crue, c’est vrai. Et faire l’amour ne veut pas forcément dire faire des enfants. Mais elle n’est pas complètement sans intérêt non plus.
D’abord, il est faux de dire que « les jeunes ne baisent plus ». Ils découchent moins, c’est tout. En effet, une étude de l’Ifop de février 2024 montre que les jeunes de 18 à 24 ans étaient 5% en 2006 à déclarer ne pas avoir eu de rapport sexuel depuis plus d’un an, alors qu’ils sont aujourd’hui 28%. Soit 6 fois plus, tout de même. Il y a donc un recul de l’activité sexuelle, et c’est (j’espère ne rien vous apprendre) le premier pas pour avoir des enfants. Et c’est celui-là, le vrai sujet.
Pourquoi ? On peut imaginer beaucoup de facteurs. L’influence d’internet ? Certainement. Pour avoir du contact avec les autres, il n’est plus essentiel d’aller dans les bars ou des lieux où il existe du contact physique. On peut très bien être chez soi, ne voir personne, sans pour autant être complètement seul. Internet est un confort social. Même chose dans le monde du travail, où se passent la plupart des rencontres à partir d’un certain âge, avec lequel beaucoup de salariés prennent de la distance en choisissant de plus en plus le télétravail.
Des raisons politiques ? On peut toujours en trouver. Il est vrai qu’il y a, dans certains courants politiques, une volonté affirmée de ne plus avoir d’enfants. L’enfant est vu tantôt comme un frein à l’indépendance ou à la carrière, qui passe aujourd’hui davantage en priorité qu’avant, notamment chez les femmes, et je ne tiens pas à porter de jugement sur le sujet d’ailleurs, si ce n’est remette en cause l’incompatibilité entre les deux. Tantôt l’enfant est vu comme un risque, celui que le mari n’en assume pas la charge. Et tantôt comme un danger : celui qu’il vive, cet enfant, dans un monde que le réchauffement climatique aurait ravagé.
Une autre étude de l’Ifop en 2022 indiquait en effet que 13% des jeunes de plus de 15 ans ne voulaient pas avoir d’enfants, contre 5% en 2010. Un triplement de la tendance en 10 ans.
Des raisons économiques ? Sans aucun doute.
Je vous vois quand même venir : « Oui mais avant, il y avait déjà des gens pauvres, et les gens faisaient quand même des enfants. » C’est tout à fait exact. Être pauvre n’a jamais empêché qui que ce soit de faire des enfants. Mais force est tout de même de constater qu’accueillir un enfant dans un appartement de 20m2 pour trois, ça ne fait pas rêver. Et ça peut même être une certaine vision de l’enfer, vécue par certains qui ont été enfermés dans ces conditions pendant le Covid. Car il est un sujet que personne n’évoque jamais quand on parle de natalité, c’est l’immobilier.
En effet, dans les années 60, la part du revenu alloué à l’immobilier était de 24%. Aujourd’hui, on est à un peu plus de 30%. Sachant que les prix de l’immobilier ont évolué bien plus vite que les revenus, vous comprenez vite le problème. Avec des revenus moins élevés, on pouvait accéder à beaucoup plus grand. Et donc avoir de quoi élever un enfant, même en étant jeune.
Mais aujourd’hui, la croissance des prix de l’immobilier a été tellement rapide, que le prix du « ticket d’entrée » sur le marché est devenu trop cher. La surface d’un bien achetable par un jeune couple est trop petite pour espérer des conditions correctes pour son enfant. Et avant 30 ans, il est bien difficile de retomber sur ses pattes dans une grande ville sans y engloutir son salaire.
Entre les prix extrêmement élevés de l’immobilier et les HLM, il y a donc une grande partie de jeunes couples qui se retrouvent dans cette fameuse « classe moyenne de l’immobilier » dont on ne parle jamais : ceux qui sont « Trop riches pour être aidés », et « Trop pauvres pour acheter. », comme toujours.
L’histoire de la classe moyenne en France, c’est aussi l’histoire des jeunes et des jeunes couples.
Si vous ajoutez à tout ça les facteurs anxiogènes de notre époque qui mériteraient plus d’une tribune à eux tous seuls, et qui sont responsables du triplement de la consommation d’anti-dépresseurs chez les 18-25, une méfiance croissante entre les hommes et les femmes qui est palpable un peu partout dans notre société, et une quête de sens chez beaucoup de jeunes (qui marque aussi des évolutions profondes dans le monde du travail), vous obtenez le cocktail parfait d’une jeunesse qui ne voit plus de perspectives pour elle-même, et qui le projette pour ses éventuels enfants.
Le sujet n’est pas de savoir si tous ceux qui pensent comme ils pensent ont raison. Je n’en sais rien. Sur toutes ces questions il y a certainement une part de vrai et une part d’exagération. On peut mépriser tous ces facteurs. Dire qu’ils sont infondés. Que la jeunesse est défaitiste. Qu’elle baisse les bras. Mais au fond, qu’est-ce que ça change ?
Les faits sont-là. Les enfants, eux, ne sont pas là en revanche. Alors tout est une question de priorité. Soit on mise sur l’avenir, et on met en place des politiques plus favorables à la jeunesse là où cela est possible, soit on continue simplement de déplorer que « les jeunes ne baises plus », et alors, là, on ne changera pas grand-chose.
La natalité n’est que le reflet de notre époque. Quand les gens sont optimistes, ils font des enfants. Quand ils sont pessimistes, ils n’en font plus. Ce n’est pas pour rien qu’on utilise l’expression « se reproduire ». Un adulte heureux produira un enfant heureux. Mais aucun adulte malheureux ne voudra voir son enfant malheureux à son tour.
Ce sera ma conclusion. Créez un monde où vos enfants sont heureux et vous verrez, chères mamans, vous aurez des petits enfants.
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